Le poids du destin et le sens des symptômes
Nous croyons être définitivement exemptés du destin d’un homme d’être marié et bon père de famille, idem pour une femme. Malgré l’évolution très progressiste de nos mœurs, notre surmoi, dernier représentant de l’autorité parentale, demeure un affreux conservateur, d’une sévérité redoutable.
Les névrosés sont ceux qui vont chercher à esquiver ce destin en retournant à une phase de leur vie plus précoce, vécue comme plus heureuse, voire, pour certains, à leur supposée existence de nourrisson. Et il revient au seul psychanalyste d’interpréter cette régression !
Freud nous parle de patients qui donnent l’impression d’être fixés à un segment déterminé de leur passé dont ils ne savent plus s’en dégager : ils se sont rendus étrangers au présent de leur vie quotidienne et à leur avenir. Ils sont coincés dans leur maladie tout comme on avait coutume autrefois de se retirer dans un couvent pour y mener à son terme une vie accablée par le poids du destin.
Si le médecin, nous dit Freud, connaissait le sens des symptômes, et leur rapport à la vie quotidienne de chacun de ses patients, c’est-à-dire en liaison intime avec leur expérience vécue, il n’aurait nul besoin de diagnostiquer une maladie. Mais, à côté de ces symptômes, Freud va en distinguer d’autres, plus typiques, où les différences individuelles disparaissent rendant ainsi impossible toute relation avec l’expérience vécue de chacun.
Les malades répètent, exactement et de manière stupéfiante, les mêmes traits « hystériques » de la maladie. Et malheureusement, nous dit Freud, la psychanalyse nous laisse en plan face à de tels symptômes reproductibles. Et pourtant, ajoute-t-il, il n’y a pas de différences fondamentales entre l’une et l’autre espèce de symptôme au sens où ces symptômes typiques ont leurs racines dans une expérience vécue commune à un groupe, voire à tous les humains.
Freud appelait cela la phylogénétique, la genèse du clan, de la tribu, de la famille, c’est-à-dire l’étude des relations de parentés où règnent tous nos conflits psychiques de loyauté.
Je disais à Charles Melman, fondateur de l’ALI, qu’il y avait 2 types de maladies : la maladie infantile et celle professionnelle. Les deux ont la même racine, c’est-à-dire justement ce conflit de loyauté : la 1ere au semblable, au frère, la 2eme à l’autre, à l’autorité qui vous instituera comme professionnel. La 2eme est nettement plus féroce, sérieuse, que la 1ere, c’est à dire que celle que les psychanalystes appellent aujourd’hui la « frérocité ». La 2ème, elle, vous consumera jusqu’au bout !
Thierry-Auguste Issachar