Liste des contributions des membres d’Essaim freudien.
Les contributions
Le corps contre le signifiant
Lacan a déplacé la psychanalyse du corps vers le langage, du sexuel vers le signifiant. Ce déplacement, d’une fécondité théorique immense, a aussi produit une désincarnation du désir. En relisant Freud à rebours de cette spiritualisation du discours, cet article plaide pour un retour du sexuel comme fondement éthique de la psychanalyse : non pas un retour au biologique, mais au corps parlant, à la pulsion comme vérité du sujet.
La destitution du Moi ou la confusion de l’Ego
Freud avait conçu le Moi comme une instance d’articulation et de liaison : entre les exigences pulsionnelles du Ça, les impératifs du Surmoi, et les contraintes du principe de réalité. Le Moi n’est pas une entité stable, mais un champ de tensions. Sa fonction n’est pas de dominer mais de médiatiser. Il tient de l’équilibriste : pris entre l’excès de la pulsion et la sévérité du commandement, il cherche à maintenir un ordre possible de la vie psychique, toujours menacé de rupture.
La Babel contemporaine : Freud face à notre modernité
« Dans l’inconscient, il n’y a pas de négation », disait Freud. Mais il faudrait ajouter : il n’y a pas davantage de différence sexuelle. L’Adam et la Dame s’y confondent dans une boue primitive, chaos indistinct où rien ne se sépare. Seul l’Œdipe tranche : le père, lame symbolique, ouvre la coupure d’où naît la civilisation. Sans ce refoulement — celui du non-rapport sexuel — pas de loi, pas de langage, pas de société. Mais cette séparation n’est jamais achevée. Elle n’installe pas une vérité, elle installe un manque. Voilà pourquoi la différence sexuelle ne sera jamais absolue : elle vacille, elle bégaie, elle hante. Nos modernes identités « fluides » ne font qu’exhiber ce reste indécidable, ce refoulé qui revient en carnaval. On croit abolir le sexe : on ne fait qu’en rejouer l’impossible.
Le bloc-notes magique à l’ère de la saturation
En 1925, Freud s’arrête sur un objet dérisoire : un jouet d’enfant, le bloc-notes magique. Une feuille de celluloïd posée sur une pellicule de cire : on trace un signe, il apparaît ; on soulève la feuille, il s’efface. Mais pas vraiment : l’empreinte demeure, gravée en profondeur, invisible mais indélébile.
Quand l’oubli de nom fait acte*
Nous avons tous connu cette étrange expérience : chercher un nom… et ne pas le trouver.
On le sent, il est là, prêt à surgir, sur le bout de la langue, et pourtant il s’efface, comme aspiré dans un trou.
On croit à une distraction, à une panne sans conséquence. Mais ce minuscule accroc est redoutable : il fissure l’illusion que nous entretenons sur nous-mêmes, celle de fonctionner comme des êtres rationnels, réguliers, ordonnés, comme des horloges bien réglées.
Le scandale freudien : « Ainsi parla ton maître… »
La science, contrairement à ce qu’on imagine souvent, ne se détourne pas des corps : elle cherche à s’en emparer. « Donner son corps à la science » n’est pas seulement une formule : c’est l’horizon où la médecine, la biologie et même la psychologie placent l’individu. La religion, au moins, ne réclamait que nos âmes. La science, elle, exige la totalité : chair, organes, cerveau, comportements. Ce déplacement n’est pas neutre. Là où la religion promettait le salut au prix d’un renoncement, la science installe une capture plus subtile, puisqu’elle s’annonce sous les traits du progrès et de la rationalité.
Plaidoyer pour une étiologie psychanalytique
La psychologie moderne, si prompte à se dire « scientifique », n’aura finalement fait que repeindre les anciens démons médiévaux avec des couleurs plus neutres. Le lexique a changé – plus de diable ni de possession –, mais la logique reste la même : il s’agit toujours d’expliquer, de classer, de maîtriser. On a simplement troqué le bénitier contre la batterie de tests. Ce faisant, on a oublié le plus essentiel : la faille.
Soigner l’hystérie pour guérir de l’obsession
Freud ne s’est pas trompé de cible !
Guérir de notre maladie obsessionnelle ne passera ni par la morale ni par l’ascèse. Il ne s’agit pas d’ajouter une couche de commandements à ceux que le surmoi nous assène déjà, ni de tendre plus encore vers cet idéal du moi d’inspiration chrétienne, où pureté, maîtrise et sacrifice tiennent lieu de salut.
Non : c’est ailleurs qu’il faut porter le fer. C’est du côté du symptôme hystérique qu’il faut opérer.
Le poète, le trou et le suicide. Psychanalyse de notre temps
Notre époque n’est plus celle de la vérité, mais de l’expression. Il ne s’agit plus de dire quelque chose, mais de se dire soi. Le moi s’y donne à entendre dans une prolifération spectaculaire d’images, de voix, de poèmes et de gestes que rien ne vient plus modérer. À en croire certains, chacun de nous cacherait en lui un artiste : un poète muet, un cinéaste empêché, un peintre maudit ou un musicien incompris. Même les psychanalystes n’échapperaient pas à cette vocation lyrique. Mais de quel sujet cette floraison narcissique est-elle le nom ?
L’hystérique à l’origine : le symptôme comme matrice de l’obsession
L’obsessionnel n’inaugure rien. Il ne crée pas sa propre impasse. Il y entre, contraint, convoqué, assigné. Il arrive après l’interpellation, après la faille, après le geste inaugural de l’hystérique. Il vient trop tard, au chevet d’un réel déjà troué, d’une énigme déjà posée.
“Tout rêve est réalisation de désir.”
Sigmund Freud